Que trouvera-ton dans le future comme trace de notre civilisation ? Voici une interrogation qui parait simple, mais qui soulève des questions. A ce jour, nous sommes conscients de l’incidence de notre mode de vie sur l’environnement. A partir de cela nous construisons l’idée d’une humanité future qui devrait faire un travail d’archéologie qui nous définisse. Une spéculation dans le sens étymologique du mot, un jeu de miroirs qui révèlerait les traces de notre civilisation actuelle. Les artistes d’Assemblage #34 ont reconnu ces indices dans la neige, sous l’argile, et dans les vestiges du numérique.
« RN 437, KM 154 », de Lucie Douriaud , évoque un paysage montagneux, enneigé, qui aurait été sali. L’ installation réunit cent trente-neuf lingots composés de plâtre et d’huile de moteur usagée. L’huile de moteur évoque non seulement notre usage des énergies fossiles mais aussi les traces des déplacements dans le paysage. L’inclusion de ce produit dans la matière même de la pièce est un geste qui contraste avec le regard contemplatif d’un panorama hivernal. Les prismes triangulaires d’huile et de plâtre conforment un échantillonnage des interactions entre ces deux antagonistes, le blanc et le noir, le pure et le sale, le froid et le brûlé. Les éléments de cette installation deviennent des trésors archéologiques qui rendent compte de la pollution de notre environnement présent.
Les pièces de la série « Mémoire d’écran », de Manon Pretto, nous rappellent la matérialité des objets électroniques par l’éclaté de ses composants. La trace des images numériques se fixe sur la dalle qui donne lumière aux écrans. Des fragments de corps robotiques, d’un exosquelette, se trouvent gravés au laser sur une partie de l’écran ordinateur, se perçoit comme des restes fossiles sur la surface d’une pierre. Manon Pretto , à l’adresse d’un futur imaginaire, témoigne d’une relation au corps transformé par la technologie. Dans une superposition de temporalités, la mémoire numérique cesse d’être immatérielle et évanescente, et se fixe dans la matière pour traverser le temps.
L’argile et le plastique sont les deux matériaux choisis pour leur malléabilité extrême par Jonathan Bréchignac. Elles caractérisent des époques éloignées, l’argile utilisée par l’homme depuis la sédentarité, le plastique typique de l’anthropocène. Bréchignac les superpose en couches qui évoquent les couches archéologiques, mais il inverse l’ordre chronologique habituel, mettant sens dessus -dessous la séquence temporelle. Les éléments synthétiques sont le substrat qui se couvre d’argile, dont il évoque ses propriétés curatrices. Il fait croire à une humanité qui devrait à chaque fois resurgir de ses cendres, vivre une nouvelle période originelle, comme l’indique le signe de l’ouroboros, le serpent qui se mord la queue. Le caractère rupestre des surfaces et des signes qu’il y inscrit présupposent que le présent sera la préhistoire du future. Il qualifie ces pièces de « beautés vénéneuses » qui dénoncent notre action sur l’environnement et annoncent un cycle de destruction et renaissance.
Juin 2022