ATAQAR

Une proposition de Romain Sein
Sarah Lucas Augutoli – Reda Boussella – Eva Dauga – Martin Kazanietz  –  Jonas Lamoliatte – Julien Langendorff – Raphaël Larre – Andoni Maillard – Sandro Pachuashvili – Constanza Piaggio – Frédéric Prat – Louis Verret

Regarder ou ne pas regarder ce mondial Qatari, telle est la question?

Romain Sein, collaborateur régulier de Julio, a invité douze artistes dans le petit espace de Julio. Tous convoquent dans leur travail,le football comme terrain d’investigation. Prenant comme prétexte la très critiquée et critiquable Coupe du monde au Qatar, ces propositions artistiques aussi variées dans le fond que dans la forme, engagent une discussion.

Le portrait par Julien Langendorff de Mohammed Ben Salman, prince héritier d’Arabie Saoudite, rival du Qatar dans le golfe persique, trône dans l’exposition comme une figure ambiguë et terrifiante. Le collage laisse apparaître sur son côté droit un crâne menacant et lourd de sens.

Crânes, ballons, coutures et fontanelles, orbites et pentagones, composent le repertoire graphique utilisé par Frédéric Prat dans un ensemble de petits formats. Ce jeu formel révèle le côté dérisoire de la peinture face aux drames humains qui se jouent dans cette zone d’influence où le soft power symbolisé par l’organisation d’événement sportifs aberrants, se construit sur les cadavres, une main d’œuvre sacrifiée. Sur un ton plus léger, Reda Boussella présente l’improbable sculpture d’un joueur blessé qui dans sa douleur gémit un raï plaintif. Boussela convoque la notion de fracture qui contraint le corps et l’empêche de fonctionner, comme une image du dysfonctionnement de nos sociétés.

D’autres artistes s’interrogent sur le statut d’idole contemporaine des joueurs. Sandro Pachuashvili détourne une affichette de son compatriote georgien, le joueur de Naples Khvicha Kvaratskhelia surnommé Kvaradona l’encadrant à la manière d’une icône du quartier espagnol. Andoni Maillard camoufle Mbappé, Neymar et Cavani dans un point de croix épatant tandis que Louis Verret propose une composition de dessins et de drapeaux, évoquant les exploits de Ronaldo au Parc des Princes lors de la finale de la coupe de l’Uefa 1997. D’une légende à l’autre, Jonas Lamoliatte peint un agrandissement de la fameuse vignette Panini de Diego Maradona. Il répond ainsi à un trophée d’enfance de Romain Sein, son «premier souvenir».

Dans des approches différentes, Martin Kazanietz en peinture et Raphaël Larre en animation se concentrent sur le folklore du football : celui de nos dimanches, des amateurs, des bars enfumés. Le football n’est pas qu’une affaire de gros sous et de scandales écologiques, il est aussi un jeu parfait dans sa simplicité, qui constitue pour un grand nombre, une activité sociale à part entière.

Footballeuse amateure, Eva Dauga présente la rediffusion d’un match de son FC Arty. Les joueuses affublées de maillot inspirés de l’histoire de l’art évoluent nonchalamment dans un espace d’exposition. La pièce est complétée par une paire de sandales customisées pour terrain souple savoureusement intitulée “beach soccer”.

Enfin, deux travaux photographiques ponctuent l’exposition; un autoportrait de Sara Lucas Agutoli, comprimée dans un maillot de l’Olympique de Marseille expose une étude de drapé tandis que Constanza Piaggio propose une image d’une cage sans filet, un but au bout du monde.

Le football est à la fois politique, spectacle, enjeu de pouvoir, divertissement. Il est la chose la plus idiote et la plus intéressante du monde. Ataqar tente par de petits éclats, par fragments, d’illustrer ce paradoxe.

 

Romain Sein