Espace commun est une exposition qui rassemble 6 artistes autour de la question du corps et des espaces que nous habitons. Ces artistes interrogent le rapport de nos corps à l’espace, qu’il soit physique ou émotionnel et nous donnent à expérimenter différentes proximités.

Le corps est évoqué dans son intimité, il est admis, il n’est plus une « intrusion » comme l’exprimait Brian O’Doherty (White Cube, L’espace de la galerie et son idéologie, 1981) il est le « lieu absolu » de Michel Foucault (Le corps utopique, 1966). Dans cette exposition, sont évoqués nos déplacements, nos enfermements, ainsi que nos obsessions. Les artistes captent la fragilité et l’impermanence inhérente à chacun. L’espace d’exposition n’est pas ici un lieu à dépasser, à challenger, il est pris comme une possibilité, un espace-temps autre, une liberté. Il est une véritable Hétérotopie (Foucault), il propose une réalité à la fois hors du monde et totalement en prise avec lui.

Que sont devenus nos corps et nos cœurs en situation de distance sociale ? Nos villes sont-elles faites pour accueillir nos corps, ceux de nos enfants, de nos aînés ? Dans ces espaces communs, dit aussi « publics », on a tous dû apprendre à nous échapper, à oublier la proximité avec l’autre, avec l’étranger. Apprendre à se mouvoir dans des interstices, au sein des conventions sociales et des protocoles. Où se situe l’intimité aujourd’hui ? Dans ce monde où l’on peut se sentir proche d’une personne avec laquelle on discute chaque jour sans jamais l’avoir vu, l’intimité n’est finalement plus en lien avec l’espace physique, elle le dépasse. Et puis, quel est le réel enfermement de nos jours ? Se situe-t-il en dehors ou à l’intérieur même de nos corps ?

Nefeli Padadimouli questionne les « espaces informels », ces écarts qui régissent l’espace social. Son travail évoque les relations humaines, qu’elles soient distancielles, en présence, intimes, ou publiques. La séparation sociale, la distanciation des corps est devenu un sujet complexe, douloureux, et de plus en plus challengeant au vu de l’accroissement de la population.

Alix Boillot fait circuler l’œuvre sur le corps même du spectateur. Rocky II évoque ces gestes ou interventions que l’être humain réalise sur son propre corps pour créer son identité, modifier son image, le faire advenir, créer un corps rêvé. L’emplacement du grain de beauté tatoué est un secret que partagent l’artiste, la tatoueuse et le porteur de l’œuvre. Un contrat de non divulgation est signé par toutes les parties.

Quentin Lefranc dispose des pas de danse et scénographie l’espace d’exposition. La condition humaine étant par essence corporelle, pour l’artiste la marche, la déambulation au sein des espaces, est une modalité pour occuper le lieu, mais aussi la possibilité de réfléchir à sa propre intériorité.

Anne-Clara Stahl interroge quant à elle les relations fusionnelles et les interconnexions. Lorsque nous perdons le contact physique, le réseau digital et l’espace virtuel prennent le relais. En résulte une étreinte presque infinie, qui nous permet de rester proche des autres, mais ce réseau, ce lien permanent, peut aussi déranger et nous faire perdre contact avec le réel. Il peut s’opérer des changements dans nos rapports aux autres, et à nous-même.

Laura Ferro évoque la question du passage du temps et de la relation du corps au paysage. Son travail nous amène à réfléchir à l’impact de nos vies et de nos corps sur le paysage, mais également l’impact du paysage et de l’environnement sur nos corps. L’un et l’autre sont imbriqués, indissociables.

Enfin, Jimena Chávez Delion s’intéresse aux objets usuels qui peuplent notre quotidien, et aux activités de ventes clandestines dans les rues de Lima au Pérou. Les vendeurs ambulants utilisent leur corps comme s’il était l’extension d’un magasin, et portent sur eux la promesse de sortir enfin de la précarité. Dans le film Exhausted Wish, l’artiste s’intéresse également aux aspirations et aux désirs profonds des travailleuses au cœur de l’économie informelle.

 

Clara Daquin