Les deux artistes de l’exposition Il pleut des apocalypses réagissent à la crise de sens que traverse l’Occident par des actes réparateurs. Elles constatent l’importance d’une concertation collective pour faire face aux changements imminents.
Inès Mélia investit l’espace public en interpellant les passants avec des messages qui les poussent à sortir du profond déni concernant l’avenir. In Case Of Apocalypse, Count On Me est la dernière œuvre d’une série d’interventions qu’elle a réalisées dans le métro pendant plus de deux ans, parallèlement à son travail d’ atelier. Cette pratique a dû cesser après une mise en demeure de la RATP. Melia emprunte les procédés des affichistes historiques (Raymond Hains, Rotella, Villeglé.. ) et superpose aux affiches lacérées des écritures graffitées (did you get home safe ? – You will be very late, don’t go art school…) des phrases glanées lors des observations flâneuses, à l’exemple de Queneau dans « Courir les rues », des fulgurances intimes écrites à la main dans un geste libérateur, des messages de réconfort nécessaire.
Il en résulte des installations parfois composée de bandes colorées et paillettes où le texte fait corps avec l’image dans une espèce d’anarchie joyeuse. Pour cette artiste, qui entretient une relation particulière avec la musique (elle est également DJ), le caractère contestataire et aléatoire des superpositions de couches de papier, révélées par des gestes subversifs, ainsi que l’action furtive de l’écriture, lui font penser à une improvisation jazz, en parfaite harmonie avec l’instant présent.
Julia Gault, consciente de la non-viabilité de notre rapport aux ressources, observe l’action de l’eau sur les objets, les transformations qu’elle engendre face au changement climatique, ainsi que les conséquences de sa disparition ou de son excès, dans une perspective spirituelle. Ses œuvres se situent souvent dans un équilibre précaire, où tout peut basculer. Elle conçoit des relations antinomiques entre les matériaux, suscitant la chute ou le délitement progressif des formes.
La grande vague de terre liquéfiée de l’installation Vague de Chaleur semble émerger du mur. Vivante, en interaction avec l’air de l’espace et le temps de l’exposition, elle va sécher et se craqueler, dessinant un motif similaire à celui que l’on retrouve au fond des lacs asséchés.
La pièce C’est la manière dont ces vagues pénètrent dans l’immeuble se compose de tubes perforés, incapables d’assurer leur fonction de conduction ou de contention d’un fluide. Les petits trous forment un texte extrait de « Ligne et fils » d’Emmanuelle Pagano, un récit sur la crue dans un immeuble situé en bordure d’un fleuve, et sur le chemin de l’eau à travers cet édifice. L’eau est la protagoniste, tout en étant la grande absente. Elle est présente par ses effets sur les matériaux modifiables, comme la terre, et par son évocation à travers le récit. Force naturelle à la fois fragile et féroce, elle met à mal des formes qui se veulent pérennes, en quête de pouvoir et d’éternité.
Toutes deux, dans une posture d’accompagnement du processus, choisissent le soin et la solidarité. Elles ajoutent aux bouleversements des éléments une dimension de transcendance.