Lorsqu’enfants, nous jouons à faire des silhouettes avec nos mains sur un mur, nous cherchons à créer des animaux ou toute autre forme que nous pourrions reconnaître. L’image animée que nous créons prend vie à nos yeux, faisant de l’ombre une forme de vie autonome à laquelle nous croyons.

Ces ombres nous portent parce que sa fascination génère en nous l’envie et la volonté de les poursuivre, le désir de contrer son évanescence.

Dans le cas de Taisiia Cherkasova, cette poursuite est celle du souvenir, entre autres des réminiscences de son pays d’origine, l’Ukraine, les ombres sont celles projetées par les feux actuels. Elle se ressource non seulement à partir de sa propre histoire mais aussi des faits culturels partagés, des films, des récits.

Cette reconstruction des ombres implique certaines matérialités : l’utilisation de la cire, qui donne un aspect brumeux aux images photographiques d’un voyage de retour au pays ou qui voile les photogrammes d’un film, aussi l’utilisation de vêtements personnels pour créer un cadre qui donne à l’objet des limites diffuses et sensuelles. Ses sculptures murales sont des espèces de chimères, un peu animal, un peu humaines. La silhouette, (l’ombre on pourrait dire), est recouverte d’une peau tatouée, marquée, écrite par l’expérience devenue souvenir.

Samuel Boutruche, poursuit le moment où il n’aurait plus à travailler les images qui s’imposent à lui, mais à les suivre comme une hallucination, à penser que leurs formes ne sont pas fixées, qu’elles sont plutôt des contextes. Il s’éloigne de l' »image – fenêtre »  et mène une recherche sur des artefacts qu’on pourrait à la fois porter comme des vêtements, des masques ou des plastrons. Il confère à ces formes mouvantes une maniabilité similaire aux membres d’un poulpe, capable d’épouser une roche ou de mimer son environnement. Hors contexte naturel, ces objets hybrides ont comme espace d’accroche et de quiétude les murs ou le plafond.  Ils construisent une mythologie ou une anthropologie inventée, et par le déplacement opéré sur le chemin des certitudes logiques nous entraînent sur le terrain de l’incertitude.