Dissidia agence un parcours fragmenté, déployant des récits qui s’inscrivent dans des espaces référentiels distincts. Les œuvres hétérogènes révèlent la relation complexe des artistes à la culture populaire ; ils la manipulent, la déforment, la déconstruisent jusqu’à son essence graphique. Dans ces propositions hybrides, les quatre artistes convoquent un éventail de spectres : des personnages, des souvenirs intimes, des traumatismes, des passions inavouables. Dissidia propose une déambulation à travers des strates de réalités entrelacées depuis ses manifestations tangibles jusqu’aux ondes invisibles qui imprègnent notre existence quotidienne.

Zoé Brunet-Jailly propose deux œuvres énigmatiques empreintes de nostalgie. « ABIGAIL » prend la forme d’une captation de balade dans un espace virtuel conçu tel un jeu vidéo. La vidéo alterne entre des phases d’actions – une protagoniste aux prises d’un monde insaisissable – et des cinématiques qui ouvrent une réflexion sur nos choix et leurs conséquences. « SUMMERTEARS/refectory » se dévoile comme une collection de quatre portraits à la similarité dérangeante, qui miroitent sur les plateaux-repas d’une colonie de vacances imaginaire. Les réminiscences du passé se matérialisent en une seule image, teintée d’émotions fugaces mais intenses.

Marqué par la vision d’un accident de la route dans sa jeunesse, Raphaël Moreira Gonçalves présente « Z_dreams » ; appendice sculptural issu d’un corpus d’œuvres lié au projet « Crash test ». L’ensemble de pièces sonde les sensations éprouvées lors de cet événement flou en intégrant des éléments fictifs qui évoquent les fantômes des prétendues victimes anonymes. La sculpture « Eigengrau », réalisée en réalité virtuelle et imprimée en 3D, émet un réseau Wifi permettant l’accès à des séries d’images générées par une IA. Elles ont pour matrice des ondes cérébrales, issues des pensées et des rêves de l’artiste. Un procédé similaire est utilisé pour produire la nappe sonore diffusée dans l’espace d’exposition.

Mathis Aguado expose une série de mouchoirs peints présentés dans des vitrines. À la fois mélancolique et humoristique, son travail intègre des personnages emblématiques de mangas issus de différentes époques, des productions stéréotypées des années 80 aux itérations plus contemporaines. Les surgissements figuratifs de sa peinture invitent le spectateur à une réflexion introspective, immergé dans un univers où les frontières entre réalité et virtualité se brouillent, où les relations sont impossibles et bien souvent fantasmées.

Marcus Philippe, est simultanément muraliste, dessinateur, peintre et installateur. Avec « Les racines du carré », il convoque sa relation à la peinture, dans une œuvre in situ pensée spécifiquement pour Julio et qui n’existera que dans ce contexte. En partant du pixel initial, le carré, Marcus Philippe déploie un dispositif graphique,mobile et insaisissable, comme le rêve d’une image qui disparaît au réveil.

Dissidia explore le mystère de nos existences modernes, où les frontières entre tangible et imaginaire s’estompent tandis que la technologie remodèle constamment les contingences de nos expériences personnelles et collectives.

 

Romain Sein