Le rapport entre le regard que nous portons sur une œuvre et le temps de cette mise en relation, n’est généralement pas une donné fixe. Les trois artistes d’Assemblage #23 ont choisi de faire de cette temporalité une partie constituante de leurs œuvres. Donner à voir une image dans un temps mesuré par une chorégraphie, donner à contempler une peinture par une manipulation qui découvre la surface colorée, ou encore théâtraliser l’objet par la reconstruction d’un espace scénique en miniature où les voix du passé reprennent place dans un présent, voici des façons de nous faire partager un temps donné d’écoute, de regard, de mise en espace.

Regarder les peintures-écrins d’Elodie Seguin demande une décision et un moment défini. Elles sont des expositions en soi que l’on pénètre du regard en ouvrant l’écrin, activées au moment de leur manipulation.
Elodie Seguin problématise l’expérience de la peinture en cadrant son espace et l’instant de la contemplation, ainsi que la fragilité de la surface, son autonomie, son immatérialité et la peinture comme lieu.
Elle a réalisé quatre peintures écrins qui différent dans leur dimensions, leur construction et dans la couleur ou l’absence de couleur de la peinture qui est soudée définitivement à l’écrin. La surface de couleur est faite par des recouvrements et des ponçages successifs qui gardent le souvenir de la peinture initiale. Les modulations de la couleur sous un regard attentif justifient la temporalité de leur observation. Peinture écrin, jaune éblouissant  insiste sur la préciosité,  la surface peinte projette de la lumière qui irradie l’intérieur de l’écrin et le spectateur s’il s’en approche, tel un trésor. Une mise en abîme de la valeur et de la nature de l’objet de collection.

Cecilia Szalkowicz enquête sur l’ontologie de l’image, et sur sa qualité d’objet. Elle essaye méthodiquement différents dispositifs de monstration qui changent le rapport corporel et temporel entre les photographies et le spectateur.  L’espace qui les contient devient une scène pour composer des énigmes avec les images, pour déstructurer le rapport que nous entretenons avec elles, entre nos corps, l’espace, et le temps du regard.
Les pièces ici présentes ont fait partie de l’acte I de  Soy un disfraz de tigre, un « défilé photographique » réalisé au Théâtre San Martin à Buenos Aires. Les photographies étaient présentées dans un parcours chorégraphié qui déterminait la durée de leur exposition, dans une rencontre entre les fragments de corps qui composent les images et les corps des performeurs.
Ici, elles reprennent sa présence silencieuse, dans une extension du temps du regard, sous une autre grammaire établissant un rapport horizontal entre les images. Une conversation silencieuse à laquelle on peut accéder en se livrant à l’énigme.

Drama Vox, petit théâtre de voix se présente comme une suite du livre de Nathalie Léger Les vies silencieuses de Samuel Beckett qui s’achève par la description de la voix de l’écrivain. Hugues Decointet a interviewé des personnalités du monde du théâtre pour qu’ils lui décrivent la voix d’auteurs dramatiques contemporains dont ils étaient proches. À partir de ces témoignages et de son vocabulaire particulier, l’artiste a composé une matière sonore qui dresse le portrait syncrétique de la voix d’un personnage de théâtre imaginaire.
Installation sonore à activer, Drama Vox est composée de la maquette d’un théâtre inspiré de la Boîte à Miracles – une idée chère à l’architecte Le Corbusier – entouré de deux instruments sonores coniques, semblables aux machines à bruits futuristes italiennes. Un régisseur-performeur assemble la maquette, manipule les instruments, diffusant au public les fragments sonores de descriptions de voix.
Drama Vox a été performée en 2013, puis en 2015 et 2016, dans des versions légèrement différentes. La troisième version ici présentée se situe délibérément après la performance. Il n’y a plus d’action d’un performeur. La maquette théâtrale est déjà assemblée. A l’intérieur, on peut entendre l’écho de ces voix décrites par les comédien.nes Sophie Daull, Hugues Quester et Cédrick Lanoë.

Février 2020